
- 3 janvier 2021
- Redacteur Sene
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LA PANDEMIE DU COVID19, POINT DE VUE D’UN APPRENTI-ECOLOGISTE (Partie3)
PARTIE 3 : Ma GRANDE JOIE
Ne dit-on pas qu’à quelque chose, malheur est bon ? Après tout, ne sommes-nous pas assez nombreux à reconnaitre que dans cette crise, il y a quand même des choses positives ?
En effet, au-delà de nos surprises, de nos regrets, de nos déceptions et de notre amertume –que nous avons partagés ci-dessus (Partie1&2) – il y a une sorte de joie qui nous anime et nous habite dans cette pandémie du Coronavirus et ses conséquences.
Il y a effectivement de la joie à constater que ce qu’on a essayé d’expliquer farouchement pendant bientôt un ½ siècle (depuis Stockholm, 48 ans), des décennies (depuis RIO 92, 28ans) est subitement devenu évident d’un coup de baguette magique, sous la férule du petit machin unicellulaire qu’est le Coronavirus.
Comment ne pas être joyeux de constater qu’en quelques semaines seulement, la décroissance s’applique à l’échelle de la planète sans assemblées générales des NU, sans un Conseil de Sécurité de l’ONU, sans un sommet de la Terre, sans une ultime COP, sans convention, sans protocole, sans accords pour la décroissance, sans réunion du G5, G7 ou 20, sans un énième rapport GIEC, etc.
Franchement, on a même fait plus que ce que Meadows et les autres scientifiques experts du climat ont toujours demandé sans rien obtenir. Figurez-vous que, que ce soit pour le climat ou pour la préservation des ressources naturelles non renouvelables, la solution la plus « sévère » préconisée jusque là, était la croissance zéro. Mais pas la décroissance! Jamais ! Elle n’a jamais été préconisée comme solution à l’économie mondiale (personnellement, je n’ai jamais lu rien de tel dans mes recherches).
L’humanité n’a-t-elle pas toujours estimé que cela était impossible, impensable, voir utopique ? La pandémie du Covid19 nous a prouvé que cela est bel et bien possible.
Au sommet de RIO en 1992, que de conventions et d’engagements signés en vue d’une prise de conscience collective pour sauver une planète qui était en danger ! Mais qu’avons-nous donc fait de la déclaration de RIO 92 sur l’environnement avec ces 27 principes ? Que sont devenus les nombreuses conventions et autres protocoles relatifs à la biodiversité biologique, à la désertification, aux changements climatiques,… ?
De la convention cadre des Nations-Unies sur les Changements climatiques en 1992 à RIO, aux Accords de Paris en 2015, en passant par la COP1 à laCOP25, au protocole de Kyoto 1997, cela fait 28 ans qu’on cherche à réduire les émissions de GES pour éviter à la planète un réchauffement de 2°C. Rappelons que l’objectif initial était d’éviter un réchauffement de 1,5°C mais il s’est avéré impossible à réaliser parce qu’il ne nous était pas possible de réduire les émissions de GES de 5% par rapport celles de 1990, tel que préconisé Kyoto.
Sur la question du climat, de conférences en conférences, de COP en COP, nous avons plus passé du temps à faire semblant d’agir, à se contenter à chaque fois de petits pas. On se souvient de la froide interpellation de la jeune canadienne Anjali Appadurai devant les délégués des gouvernements réunis pour la conférence des NU sur le climat en 2011 à Durban en Afrique du Sud : « vous négociez depuis que je suis née … Pendant ce temps ,tout ce temps, vous avez failli à respecter les objectifs, manqué des cibles et rompu des promesses ». La jeune femme n’exagérait pas. En effet, les gouvernements avaient commencé à discuter de prévention des changements climatiques depuis l’année de naissance d’ Anjali (elle avait 19anslors de son discours).
Dans la même lancée, l’économiste Jonh Reilly du MIT faisait ce constat : « plus on parle de la nécessité de limiter les émissions, plus elles augmentent ». Il poursuivit : « D’ailleurs la seule chose qui s’accroît plus que les émissions de GES, c’est la quantité de mots par lesquels on s’engage à les réduire »
En 2002, l’on se souvient du fameux cri de cœur du défunt Président Jacques Chirac lors de son discours poignant : « Notre maison brûle et on regarde ailleurs ». N’avons-nous donc pas laissé notre maison brûler depuis ? Au point que le Pape François revienne plus d’une décennie après le discours de Chirac pour écrire sur « la Sauvegarde de la maison commune » ?
En l’an 2000, le monde s’est fixé 08 ODD : Objectifs du Millénaire pour le Développement. L’humanité s’était alors donnée quinze bonnes années pour éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde. C’était l’objectif premier des OMD. En 2015, date d’expiration du délai prévu, rien du tout ! Un raté total !Pour se donner bonne conscience, il se fixa à nouveau les ODD (Objectifs de Développement Durable) pour l’horizon 2030. Pour 15 autres années encore, l’humanité veut atteindre cette fois-ci 17 objectifs. Elle espère ainsi vaincre la faim, permettre l’accès à la santé, à l’eau potable, à l’emploi décent, lutter contre les changements climatiques, etc. Bref, elle veut à atteindre 17 objectifs en 15ans alors qu’elle vient d’en rater 08 pour la même période.
Voilà les petits pas, les accommodations, les illusions et les mensonges dont parle Hulot. Et à vrai dire, ce sont les seules choses que nous avons réussi à faire depuis la prise de conscience collective en 1992 au sommet de RIO.
En qui concerne la biodiversité, le rapport sur le sujet produit par les NU révèle que « nous sommes actuellement responsables de la sixième extinction majeure de l’histoire de la Terre, et de la plus importante depuis la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années ». C’était lors de la conférence des Nations-Unies sur la biodiversité au Brésil, en 2006.
En effet, la vie se meurt et la tendance actuelle est à l’accélération de ce processus déjà étonnamment rapide. Elle n’épargne aucun groupe, des oiseaux aux insectes, en passant par les mammifères et les poissons. Le rapport du GIEC sur la biodiversité estime que les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis le début du XXe siècle. L’hécatombe est d’une ampleur terrifiante !
Une bonne partie de la grande barrière de corail – un lieu emblématique et à juste titre de la biodiversité – est en voie avancée de disparition. La mangrove recule rapidement.
Les océans sont vidés de leurs poissons. Environ 1000 milliards d’animaux marins sont tués chaque année. Les filets de pêche raclent aujourd’hui 30 millions de km2 d’eaux marines. Les ¾ de la surface des océans sont concernés.
Les humains représentent 0,01% des créatures vivantes, mais ont causé 83% des pertes animales depuis les débuts de la civilisation. Une situation génocidaire d’une ampleur sans précédent qui, par un effet boomerang, commence profondément à nuire aux humains eux-mêmes.
Partout à travers le monde, la sécheresse avance, 80 000 Km2 de forêts disparaissent chaque année. Au rythme actuel, les forêts primaires sont appelées à disparaître dans les dix prochaines années.
Les minerais et les ressources fossiles sont extraits à des milliers de kilomètres de profondeurs dans les océans, les forêts et le sous sol.
La production mondiale de pétrole s’établit à 95,62 millions de barils par jour soit presque 1107 barils par seconde. Je vous laisse faire le calcul pour constater les milliards de barils consommés dans le monde chaque année.
La consommation d’eau douce sur la planète a atteint 4 milliards de m3, soit 1,3 millions de litres d’eau chaque seconde (127 m3 par seconde) ce qui supérieur aux capacités de renouvellement des réserves.
L’humain est incontestablement la première catastrophe écologique !
Décidemment, rien n’arrête la machine humaine ! Ah si ! Il y a le Covid19 qui a réussi jusque là à forcer l’humanité A MARQUER UNE PAUSE.
Figurez-vous que ni les nombreuses conventions et leurs protocoles d’application divers, ni les OMD&ODD, ni les rapports volumineux ou succincts, ni les conférences, ni les sommets, ni les Accords et ni les25 COP sur le climat, n’ont rien, absolument rien pu faire pour que des actions concrètes à l’échelle de la planète soient réalisées.
Franchement, il y a de quoi être joyeux, qu’avec le Covid19, le monde va enfin réaliser que ce qui était tout simplement considéré comme irréaliste, utopique, impensable voir impossible était possible et faisable.
La réduction mondiale de GES, à cause duCovid19 est estimée à 6%. Saviez- vous que les recommandations des scientifiques pour atteinte l’objectif de 2° C de réchauffement sont de 4% chaque année par rapport à l’année précédente ? Figurez-vous que nous sommes à 6% de réduction alors qu’on est qu’au premier semestre de l’année. Un résultat plus que satisfaisant, et cela sans même que l’on ait besoin de nouveaux objectifs chiffrés par des experts, sans négociations médiatisées à travers des conférences mondiales à l’autre bout de la planète. On n’a pas eu besoin de polluer d’avantage en mobilisant le monde et surtout les médias, pour encore des promesses, des semblants d’accords et d’engagements sans contraintes, en somme des accommodations, des petits pas !
Sacré Covid19n’en a pas encore fini avec nous. Grâce à ce Coronavirus, notre paradigme économique est subitement remis en cause par un plus grand nombre de personnes. Notre système économique, institutionnalisé en 1944 à Bretton Woods, s’avère insoutenable. Puisqu’il repose sur la croissance et tout progrès est mesuré de manière abusive par le PIB. Cet indicateur ignore pourtant dans une large mesure, le capital naturel et le capital social, de même que la répartition des richesses et des revenus.
Tout le monde parle du coup du système économique. Comme si l’humanité découvrait à l’instant le caractère d’insoutenabilité de son modèle économique. Pourtant, 04 ans seulement après les accords de Bretton Woods, en 1948, « La planète au pillage », l’essai de Henry Fairfield OSBORN, est salué par de grands esprits comme Einstein, Aldous Huxley et bien d’autres. Cette ouvrage avait fini par démontrer avec une rigueur et une vérité incontestables que notre système économique n’était pas durable puisque fondé sur la prédation sans renouvellement. Tout simplement, parce que l’être humain s’était – avec ce modèle- éloigné de la règle originelle d’Antoine Lavoisier :« Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme »
Malgré les alertes d’OSBORN, nous avons maintenu notre modèle économique avec toutes ses dérives jusqu’à maintenant. Pourtant les preuves sont là sous nos yeux. En 2018, le rapport publié par Oxfam nous révélait les chiffres honteux de notre modèle économique : 3,7 milliards de personnes, soit 50% de la population mondiale, n’ont pas touché le moindre bénéfice de la croissance mondiale (+4.3% en 2018) alors que les 1% les plus riches ont empoché 82% de cette croissance tant prônée par le système. Alors, à qui profite vraiment le crime…pardon la croissance ?
Sous un autre angle d’analyse, la destruction du monde est organisée et profite à une élite qui en fait subir les conséquences au reste de la société, les pauvres en première ligne. Manifestement, notre système économique a permis à une classe dominante de prendre la société en otage et de conserver ce statu quo égoïstement.
Paradoxalement, une sorte de croyance – je dirais de déification des marchés financiers -semble empêcher toute réforme structurelle, de peur que le système ne s’écroule. Pourtant, les bulles, les fragilités, se créent sur les marchés et les futures crises financières sont plus que probables. Voilà pourquoi de nombreux spécialistes ont comparé les marchés financiers à des réacteurs nucléaires, susceptibles d’exploser à tout moment. On se souvient encore de la crise financière de 2008. Mais avons-nous vraiment tiré les leçons de cette récente crise financière, et même de celles du passé ?
Je suis heureux qu’avec l’avènement du Covid19, nous soyons de plus en plus nombreux à se poser des questions sur notre modèle économique, sa « soutenabilité », sa contribution au bien-être de la grande majorité mais aussi par ricochet du véritable rôle de nos institutions financières.
Vivement, grâce à ce cher Covid19, qu’on ne rate pas une bonne occasion de mettre à plat notre modèle économique pour qu’enfin notre « croissance » soit un véritable développement, mise au profit de l’amélioration du bien être humain.
Ce changement impliquera bien évidemment de prendre en compte la protection de la nature, la restauration des écosystèmes, l’équité sociale et intergénérationnelle (notamment l’éradication de la pauvreté), la stabilisation de la population (pas par le moyen d’un vaccin mortel) mais aussi l’ensemble des contributions non marchandes générées par le capital naturel et le capital social.
N’est-il pas le moment d’abandonner nécessairement cet objectif de croissance/PIB, dépourvu de toute « humanité », au profit d’une amélioration du bien-être humain soutenable ?
Paul SENE
Conseiller en RSE et Développement Durable
Tel: 77 632 16 48
Email: paulsene@lempreinte.sn / paulsene16@gmail.com
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